Entre permacrise, injonctions environnementales, transitions énergétiques et montée en puissance de l’intelligence artificielle, la supply chain vit aujourd’hui une transformation aussi rapide que profonde, qui bouleverse les méthodes, les outils et les modèles économiques.
C’est pour décrypter ces changements que près d’une centaine de décideurs, logisticiens, chargeurs, industriels et experts se sont réunis à Rouen pour une matinée de partage organisée par Logistique Seine Normandie, avec un objectif commun : comprendre les mutations qui rebattent les cartes de la supply chain et identifier, ensemble, les solutions concrètes qui permettront de préparer 2030.
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« Écologie et économie vont de concert » : un nouveau cap pour les territoires
Au Pavillon des Transitions, la Métropole Rouen Normandie a dressé un constat clair : les entreprises évoluent dans un contexte tendu, marqué par la hausse des coûts, les incertitudes géopolitiques et la pression sur l’emploi. Dans ce contexte difficile où les solutions traditionnelles ne suffisent plus, il devient essentiel de réinventer les modèles et d’optimiser l’énergie, les flux et la donnée.
Pour autant, loin de s’opposer, écologie et économie se renforcent désormais mutuellement. L’enjeu est alors de gagner en compétitivité tout en réduisant l’empreinte carbone et en anticipant les risques, en s’appuyant, notamment, sur la digitalisation, l’innovation et la collaboration. Comme le souligne Abdelkrim Marchiani, Vice-président en charge du développement économique : « Il faut donner un cap clair aux entreprises : la transition écologique n’est pas un frein, mais bien un levier de compétitivité. »
La supply chain, colonne vertébrale des transitions
Pour Yann de Feraudy, Président de France Supply Chain : « La transformation n’est plus une option. »
Si la logistique représente jusqu’à 80 % de la structure de coûts d’une entreprise, elle concentre également au moins 85 % de son empreinte carbone. Résultat : impossible d’atteindre la transition sans repenser la supply chain.
Les crises récentes (climat, conflits, tensions commerciales) ont révélé la vulnérabilité des chaînes trop étendues, construites avant tout sur l’optimisation des coûts. À cela s’ajoutent des obligations réglementaires renforcées (loi Sapin II, exigences éthiques), et des attentes croissantes en matière de transparence.
La réponse passe alors par plusieurs leviers structurants :
• Cartographier et raccourcir les chaînes, pour réduire les risques et les émissions,
• Investir dans les jumeaux numériques et outils de simulation pour optimiser flux et stocks,
• Développer le report modal, non par idéologie mais pour améliorer fiabilité et prévisibilité,
• Adopter de nouveaux modèles économiques : usage plutôt qu’acquisition, mutualisation, financements partagés,
• Soutenir les PME, maillons essentiels mais fragiles de la performance globale. Une raison de plus, rappelle-t-il pour que les écosystèmes régionaux, comme Logistique Seine Normandie, jouent leur rôle de fédérateur.
Les chiffres qui alertent
✔️ 60 à 80 % : part de la supply chain dans les coûts de l’entreprise
✔️ 85 % : part de la supply chain dans l’empreinte carbone
✔️ + 50% : hausse des perturbations liées aux crises depuis 10 ans
✔️ + 4° : au-delà, le monde devient non assurable selon AXA
✔️ 5000 salariés : seuil fixé par la Loi Sapin II pour que les entreprises suivent et améliorent leur supply chain
✔️ 1 seule maillon faible peut dégrader l’ensemble de la performance
IA & supply chain : de l'expérimentation à la performance
Avec :
• Oriane Bettinger, Directrice achats & supply chain, Nutriset
• Robin Poté, Directeur, Circoé
• Guillaume Desveaux, Président, AI Cargo Foundation
• Erwan Kérourédan, Président, Atelier Picking
Deuxième temps fort de la matinée : un tour d’horizon sans fard de l’IA et de ses impacts réels sur la logistique. Et contrairement aux idées reçues, l’IA générative ne représente qu’une fraction des usages pertinents pour la logistique. La majorité des impacts actuels vient de l’IA prédictive, capable d’exploiter des données structurées pour anticiper la demande, optimiser les stocks ou ajuster les plans de transport. Et c’est d’ailleurs l’objet du livre blanc dédié réalisé par Logistique Seine Normandie.
Les experts présents s’accordent, la véritable valeur émerge lorsque l’IA transforme les processus, et non lorsqu’elle les remplace, et nos grands témoins expérimentent déjà des gains concrets :
• Meilleure anticipation des pénuries d’approvisionnement,
• Optimisation continue des flux,
• Collaboration IA et humain via la supervision,
• Clarification des messages avec une IA qui intervient comme un facilitateur opérationnel.
L’IA pose néanmoins des questions énergétiques, éthiques et organisationnelles. D’où une recommandation unanime : commencer par identifier les irritants opérationnels et les tâches répétitives avant de lancer des projets ambitieux. L’intelligence artificielle n’a de sens qu’inscrite dans une intelligence collective.
Sobriété, efficacité, responsabilité : quelle équation logistique pour 2030 ?
Avec :
• Jonathan Atsu, Responsable commercial grands comptes, Solstyce
• Jean-Baptiste Bernicot, Directeur innovation, IDEA Logistique
• Philippe Taburet, Directeur commercial, Breger Transports
• Alain Verna, Directeur Général, Etria Manufacturing
La dernière table ronde a mis en lumière les leviers concrets de transition pour les industriels et logisticiens, démontrant que, même dans un contexte économique contraint, la transformation est possible pour les entreprises normandes.
Dans l’industrie – déjà largement décarbonée, en grande partie grâce à l’électricité d’origine nucléaire – des gains énergétiques significatifs peuvent être obtenus rapidement. La récupération de chaleur et l’optimisation des processus permettent, par exemple, de réduire fortement la consommation, tandis que des chantiers concrets, comme le passage massif à l’éclairage LED sur de vastes sites, renforcent l’efficacité énergétique et impliquent directement les équipes.
Dans le transport, la décarbonation progresse mais reste encadrée par des contraintes économiques et techniques : le déploiement des véhicules GNC puis électriques se fait progressivement, souvent conditionné à des contrats long terme avec les clients. Le réseau de bornes de recharge pour poids lourds reste limité, ce qui renforce l’intérêt pour le report modal ferroviaire, qui gagne en importance. Sur le sujet de l’électrification, le dernier kilomètre concentre les enjeux : il faut repenser itinéraires, infrastructures de recharge et modes de livraison pour tirer pleinement parti des véhicules électriques.
Côté logistique et énergie, les acteurs misent sur une approche intégrée : exploitation fine des données carbone pour orienter les décisions, amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, électrification raisonnée des flottes, développement de modèles collaboratifs via joint-ventures ou projets multi-acteurs, et recours au réemploi comme levier de relocalisation industrielle et de circularité des ressources.
Logistique Seine Normandie, catalyseur de solutions
En filigrane de la journée, une idée revient : la transition logistique ne peut pas être menée seul. Les entreprises attendent des espaces pour partager, co-construire et expérimenter, et Logistique Seine Normandie joue ici un rôle stratégique en fédérant les acteurs et en accélérant les synergies.
La mission est claire : accompagner les membres face aux transformations, favoriser les collaborations et rendre visibles les innovations qui émergent sur le territoire. Un travail de fond qui renforce la résilience collective et positionne la Normandie comme un terrain d’expérimentation unique.
